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André Breton
Tinchebray / Dép.Orne 18.2.1896 - Paris 28.9.1966

Qu'est-ce le Surréalisme?
What about Surrealism (short)?

André Breton:
What is Surrealism?

Le SURRÉALISME n'est pas une forme poétique. Il est un cri de l'esprit qui retourne vers lui-même et est bien décidé à broyer désespérément ses entraves, et au besoin par des marteaux matériels.
(Du Bureau de Recherches surréalistes, 27 janvier 1925)

 

Jean-Pierre Rosnay

André Breton
et Les Surréalistes

Je conserve précieusement dans mes archives toute une série de documents surréalistes, dont quelques-uns des premiers numéros, le No1 entre autres, de " La Révolution surréaliste". Tout à fait indépendamment de l'esprit de renouveau qui animait les rédacteurs de cette "historique" revue, j'y trouve à la relire plus de raisons de sourire que de motifs d'extase. Ainsi de ces slogans:

Si vous aimez l'amour, vous aimerez le surréalisme.
Le surréalisme est à la portée de tous les inconscients.
Le surréalisme est-il le communisme des génies?

Le collier des perles surréalistes est surabondamment fourni. Il est vrai que je n'étais pas né à l'époque où Breton, Benjamin Péret, Pierre Unik, Soupault, Aragon, Eluard, et quelques autres transfuges du dadaïsme, expérimentaient leur nouveau joujou. On demeure confondu devant tant de niaiseries exprimées par des poètes suffisament informés de ce qui, sous le couvert de la poésie, avait été publié antérieurement à leur intervention. Loin de moi l'idée de m'insurger contre l'usage le plus complet qui se soit fait ou se puisse faire de la liberté d'expression poétique. Nous devons à Tzara, à Breton et à leurs amis, toute une série de questions qui, si elles n'obtinrent pas souvent de réponses satisfaisantes de la part de ceux qui les posaient, méritaient d'être posées. Sans les surréalistes nous ne serions pas les poètes libres que nous sommes. Toutefois, cela ne saurait conduire à considérer qu'il suffit d'écrire "savonnette parfumée" sur la casquette d'un chef de gare, pour être Shakespeare. A l'origine, les surréalistes, du moins si l'on s'en rapporte à ce qu'ils consignérent dans les premières livraisons de "La Révolution Surréaliste", se voulaient étrangers à la littérature et à la poésie. Si l'on excepte la charge contre Anatole France, à l'occasion de son décès, où tous les records de violence verbale furent battus, manifestation ressortissant à l'usage bien établi, dit du "conflit des générations ou des "modernes contre les anciens" ; les Surréalistes se sentaient plus spécialement vocation " moralisante", sociologique, politique.

Extraits de la Révolution Surréaliste:
15 janvier 1925: Communisme et Révolution/Ouvrez les prisons, licenciez l'armée, il n'y a pas de crime de droit commun
15 avril 1925: Lettre au Recteur des Universités Européennes. - Adresse au Dalaï Lama - Adresse au Pape - Lettre aux écoles du Bouddha - Lettre au Médecin-chef des asiles de fou

S'il est vrai que les poètes Mao-Tse-Toung ou Leopold Sedar Senghor prirent, corps et âme, une part déterminante aux âpres luttes et aux profondes mutations d'une époque tourmentée et nucléaire, il n'en demeure pas moins qu'une revue de poésie est une chose, et que " Le Prince" de Machiavel et " Le capital" de Marx en sont deux autres. Mais ne me faites pas écrire ce que je n'ai pas écrit. J'éprouve le plus grand respect pour Eluard, Aragon, Desnos, René Char pour n'en citer que quelques-uns mais il n'empêche que Blaise Cendrars, Max Jacob, René-Guy Cadou, René Daumal, Audiberti, Saint-John Perse ou Marie Noël (il en est d'autres), me paraissent aussi fréquentables, bien que ne s'étant pas livrés à la provocation et à la proclamation péremptoire de théories présentées comme de nouvelles tables de la loi, intangibles et universelles.
Ce qui, " ici comme ailleurs", dans l'aspect négatif du mouvement surréaliste, fut le plus dommageable à la poésie est "invisible", à savoir que par son tintamarre orchestré, ses scandales chroniques, érigés en système de promotion (durant plusieurs décennies) André Breton aura globalement capté et accaparé l'attention du public et de la critique, au détriment de poètes qui, pour avoir été moins tapageurs, n'en étaient peut-être pas moins décisifs. Si même nous n'en avons pas conscience (Comment le pourrions-nous?), quelques poètes manquent au paysage de ce temps. C'est pour tenter de parer à une semblable situation que des amis du Club des Poètes et moi avons créé "Vivre en Poésie".

(extrait de la Préface du N°5 de Vivre en Poésie
de Jean-Pierre Rosnay)

  • Fils d'un employé en
    écritures à la gendarmerie;
  • Gendarme des écritures
    poétiques pendant un quart de siècle
  • Elève-médecin pendant la guerre de 14
  • Dadaïste
  • Liquidateur du Dadaïsme
  • Fondateur du Surrealisme
  • Ami de Robert Desnos
  • Pape du Surréalisme
  • Ennemi de Robert Desnos
  • Ennemi de la société marchande
  • membre du Parti Communiste
  • Marchand d'Art
  • Père de l'Aube
  • Rebelle en temps de paix
  • Fuyard en tant de guerre
  • Collectionneur d'Art africain
  • Militant anti-colonialiste
  • Ennemi de la Littérature
  • Critique Littéraire
  • Briseur de statues
  • Statue dans un musée
  • et / ou poète ?
  • Piers Tenniel

.
Danse Hopi, manuscrit Breton

 

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Qu'est-ce Surréalisme ?

1917, Apollinaire (le mot lui aurait été suggéré par Chagall ou, selon d'autres sources, par P. Albert­Birot). Ensemble de procédés de création et d'expression utilisant toutes les forces psychiques (automatisme, rêve, inconscient...) libérées du contrôle de la raison et en lutte contre les valeurs reçues; mouvement intellectuel révolutionnaire affirmant la supériorité de ces procédés, qui se développa surtout en littérature et dans les arts plastiques, peinture, cinéma... suite du mouvement dada.


Quand l'homme a voulu imiter la marche, il a créé la roue qui ne ressemble pas à une jambe. Il a fait ainsi du surréalisme sans le savoir.

Apollinaire
les Mamelles de Tirésias, Préface.


C'est de très mauvaise foi qu'on nous contesterait le droit d'employer le mot Surréalisme dans le sens très particulier où nous l'entendons car il est clair qu'avant nous ce mot n'avait pas fait fortune. Je le définis donc une fois pour toutes :

SURRÉALISME. n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d'exprimer [...] le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l'absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale.

ENCYCL. Philos. Le surréalisme repose sur la croyance à la réalité supérieure de certaines formes d'associations négligées jusqu'à lui, à la toute­puissance du rêve, au jeu désintéressé de la pensée.

André Breton
Manifeste du surréalisme (1924).

SURREALISM

A 20th-century literary and artistic movement that attempts to express the workings of the subconscious by fantastic imagery and incongruous juxtaposition of subject matter.

Surrealism, movement in visual art and literature, flourishing in Europe between World Wars I and II. Surrealism grew principally out of the earlier Dada movement, which before World War I produced works of anti-art that deliberately defied reason; but Surrealism's emphasis was not on negation but on positive expression. The movement represented a reaction against what its members saw as the destruction wrought by the "rationalism" that had guided European culture and politics in the past and that had culminated in the horrors of World War I. According to the major spokesman of the movement, the poet and critic André Breton, who published "The Surrealist Manifesto" in 1924, Surrealism was a means of reuniting conscious and unconscious realms of experience so completely that the world of dream and fantasy would be joined to the everyday rational world in "an absolute reality, a surreality." Drawing heavily on theories adapted from Sigmund Freud, Breton saw the unconscious as the wellspring of the imagination. He defined genius in terms of accessibility to this normally untapped realm, which, he believed, could be attained by poets and painters alike.

The major Surrealist painters were Jean Arp, Max Ernst, André Masson, René Magritte, Yves Tanguy, Salvador Dalí, Pierre Roy, Paul Delvaux, and Joan Miró. With its emphasis on content and free form, Surrealism provided a major alternative to the contemporary, highly formalistic Cubist movement and was largely responsible for perpetuating in modern painting the traditional emphasis on content.

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Plutôt la vie

........................................................... ......................... .... Philippe Soupault

Plutôt la vie que ces prismes sans épaisseur même Si les couleurs sont plus pures
Plutôt que cette heure toujours couverte que ces terribles voitures de flammes froides
Que ces pierres blettes
......................... 
Plutôt ce cœur à cran d'arrêt
Que cette mare aux murmures
Et que cette étoffe blanche qui chante à la fois dans l'air et dans la terre
Que cette bénédiction nuptiale qui joint mon front à celui de la vanité totale

Plutôt la vie

Plutôt la vie avec ses draps conjuratoires
Ses cicatrices d'évasions
Plutôt la vie plutôt cette rosace sur ma tombe
La vie de la présence rien que de la présence
Où une voix dit Es-tu là où une autre répond Es-tu là
Je n'y suis guère hélas
Et pourtant quand nous ferions le jeu de ce que nous faisons mourir

Plutôt la vie

Plutôt la vie plutôt la vie Enfance vénérable
Le ruban qui part d'un fakir
Ressemble à la glissière du monde
Le soleil a beau n'être qu'une épave
Pour peu que le corps de la femme lui ressemble
Tu songes en contemplant la trajectoire tout du long
Ou seulement en fermant les yeux sur l'orage adorable qui a nom ta main

Plutôt la vie

Plutôt la vie avec ses salons d'attente
Lorsqu'on sait qu'on ne sera jamais introduit
Plutôt la vie que ces établissements thermaux
Où le service est fait par des colliers
Plutôt la vie défavorable et longue
Quand les livres se refermeraient ici sur des rayons moins doux
Et quand là-bas il ferait mieux que meilleur il ferait libre oui

Plutôt la vie

Plutôt la vie comme fond de dédain
A cette tête suffisamment belle
Comme l'antidote de cette perfection quelle appelle et qu'elle craint
La vie le fard de Dieu
La vie comme un passeport vierge
Une petite ville comme Pont-à-Mousson
Et comme tout s'est déjà dit

Plutôt la vie

Tournesol

La voyageuse qui traverse les Halles à la tombée de l'été
Marchait sur la pointe des pieds
Le désespoir roulait au ciel ses grands arums si beaux
Et dans le sac à main il y avait mon rêve ce flacon de sels
Que seule a respiré la marraine de Dieu
Les torpeurs se déployaient comme la buée
Au Chien qui fume
Ou venaient d'entrer le pour et le contre
La jeune femme ne pouvait être vue d'eux que mal et de biais
Avais-je affaire à l'ambassadrice du salpêtre
Ou de la courbe blanche sur fond noir que nous appelons pensée
Les lampions prenaient feu lentement dans les marronniers
La dame sans ombre s'agenouilla sur le Pont-au-Change
Rue Git-le-Coeur les timbres n'étaient plus les mêmes
Les promesses de nuits étaient enfin tenues
Les pigeons voyageurs les baisers de secours
Se joignaient aux seins de la belle inconnue
Dardés sous le crêpe des significations parfaites
Une ferme prospérait en plein Paris
Et ses fenêtres donnaient sur la voie lactée
Mais personne ne l'habitait encore à cause des survenants
Des survenants qu'on sait plus devoués que les revenants
Les uns comme cette femme ont l'air de nager
Et dans l'amour il entre un peu de leur substance
Elle les interiorise
Je ne suis le jouet d'aucune puissance sensorielle
Et pourtant le grillon qui chantait dans les cheveux de cendres
Un soir près de la statue d'Etienne Marcel
M'a jeté un coup d'oeil d'intelligence
André Breton a-t-il dit passe

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Le Verbe Être

Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n'a pas d'ailes, il ne se tient pas nécessairement à une table desservie sur une terrasse, le soir, au bord de la mer. C'est le désespoir et ce n'est pas le retour d'une quantité de petits faits comme des graines qui quittent à la nuit tombante un sillon pour un autre. Ce n'est pas la mousse sur une pierre ou le verre à boire. C'est un bateau criblé de neige, si vous voulez, comme les oiseaux qui tombent et leur sang n'a pas la moindre épaisseur. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Une forme très petite, délimitée par un bijou de cheveux. C'est le désespoir. Un collier de perles pour lequel on ne saurait trouver de fermoir et dont l'existence ne tient pas même à un fil, voilà le désespoir. Le reste, nous n'en parlons pas. Nous n'avons pas fini de deséspérer, si nous commençons. Moi je désespère de l'abat-jour vers quatre heures, je désespère de l'éventail vers minuit, je désespère de la cigarette des condamnés. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. Le désespoir n'a pas de coeur, la main reste toujours au désespoir hors d'haleine, au désespoir dont les glaces ne nous disent jamais s'il est mort. Je vis de ce désespoir qui m'enchante. J'aime cette mouche bleue qui vole dans le ciel à l'heure où les étoiles chantonnent. Je connais dans ses grandes lignes le désespoir aux longs étonnements grêles, le désespoir de la fierté, le désespoir de la colère. Je me lève chaque jour comme tout le monde et je détends les bras sur un papier à fleurs, je ne me souviens de rien, et c'est toujours avec désespoir que je découvre les beaux arbres déracinés de la nuit. L'air de la chambre est beau comme des baguettes de tambour. Il fait un temps de temps. Je connais le désespoir dans ses grandes lignes. C'est comme le vent du rideau qui me tend la perche. A-t-on idée d'un désespoir pareil! Au feu! Ah! ils vont encore venir... Et les annonces de journal, et les réclames lumineuses le long du canal. Tas de sable, espèce de tas de sable! Dans ses grandes lignes le désespoir n'a pas d'importance. C'est une corvée d'arbres qui va encore faire une forêt, c'est une corvée d'étoiles qui va encore faire un jour de moins, c'est une corvée de jours de moins qui va encore faire ma vie.

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